Manet "L'Amazone à cheval"
Du paradis à l’enfer, il n’y avait qu’un pas. Je traversais des ponts comme d’autres dévalaient des pentes. Avec la rapidité de l’éclair, je me retrouvais au sanctuaire des âmes noires. J’aurais tant voulu vivre, revivre, renaître dans l’incommensurable diversion des jours de gloire. Ces jours où tout vous sourit, où les couleurs du ciel n’ont pas la moindre influence sur l’état dans lequel on se trouve. J’aurais aimé vous dire que tout allait bien, que l'écho d'un certain bonheur se faisait retentir l’espace d’un instant. Mais je n’étais pas là, un instant d’égarement, et une entité avait pris mon cœur, mes pensées, et bien que je me persuadasse du contraire, il n’y avait rein à faire, mon âme était en errance. Les raisons m’étaient inconnues. Mal-être absolu. Besoin de revivre éminemment. Rien n’avait changé, je n’avais pas écrit depuis seulement un jour, mais c’était déjà un jour de trop. Musique, bougie, encens, je recréais alors l’univers dans lequel, tout redevenait facile, fluide et heureux, évident et magique. Il ne pouvait pas en être autrement. Je me devais de refaire surface. Alors, me voilà, nue, armée de courage, de patience, oui, je reviendrai à la vie grâce à cette chère écriture dont je ne pouvais plus me passer, sans laquelle je n’ai plus rien à faire, puisque sans elle je ne suis plus rien.
Les mots, les maux, inlassablement liés, ad vitam aeternam. Je lisais énormément ces derniers temps, je savais qu’il n’y avait que dans la littérature que je pouvais apprendre, prendre, garder en mémoire ce qui me faisait défaut, pour pouvoir retranscrire ce que fût un instant de vie. Je croulais sous le poids des phrases. J’allais reprendre le dessus, promis, juré. J’étais forte, disait-on, alors, quelques feuillets finement écrits seraient ma résurrection. Je commence toujours par le pire, laissant le meilleur clôturer la fin du texte.
Les dimanches avaient toujours été des jours bannis, ce n’était pas nouveau. Le pourquoi subsiste dans l’inconnu, encore aujourd’hui. Alors, me vint une idée. Raconter quelque chose de totalement contraire aux vents mauvais dont j’avais été assaillie. Ne pas replonger la tête la première dans un réservoir sans fonds. J’aimais la vie, l’amour, les animaux, le soleil et la pluie, la musique et les clapotis d’une eau jaillissante d’une fontaine heureuse, voilà comme je voyais le bonheur en somme. Il ne restait plus qu’à le mettre en forme, forme de cœur, toujours.
Il faisait gris, et cela n’avait plus la moindre importance puisque seuls comptaient la joie, la plénitude, au diable les infortunes, je ne suis faite que pour aimer. Aller voir ailleurs si j’y suis. A ce moment précis, je ne suis que dans mes écrits, heureuse d’avoir déjà pu commencer un morceau de texte, comme un compositeur, je composais avec les mots, à la place des notes, et soudain tout redevenait heureux. Pur. Renouveau. La partition du pourquoi.
L’adrénaline remontait le cours de mes veines, je n’avais besoin que d’aimer et de me sentir aimée, pour que résonnent en moi, le bonheur et la jouissance. Du plaisir à l’addiction, j’avais fermé les écoutilles. Désormais, je ne vivais que de choses saines, naturelles; le café, quelquefois avec excès, encore, mais il était le seul à avoir encore une incidence sur l’esprit. Etant allergique au thé, je ne pouvais qu’ingurgiter de la caféine. Modérément, car il fallait que je puisse dormir, et aucun psychotrope ne figurait plus, et ce depuis longtemps, dans ma pharmacie. J’avais donné. Trop. Beaucoup trop. La vie à la campagne m’avait définitivement ôté le goût de tout ce qui n’était pas naturel. Fierté. Le soleil se remet à briller. La vie est une suite de hauts et de bas, avec lesquels il nous faut sans cesse alterner. Avec joie, se forcer même, puis y parvenir. On en sort toujours grandit, je confirme.
J’espère que vous aurez aimé mon histoire. Elle n’a rien d’exceptionnel, je le sais, mais elle a le mérite d’être vraie. Bonne fin de dimanche.
A quarante cinq ans passés, j’en suis encore à chercher l’introuvable. On dit que l’espoir fait vivre, alors, tous m’est permis, tout ou presque. Je suis la lumière qui, en ce moment refuse d’éclairer. Rien de plus insupportable que de ne pas savoir quel chemin emprunter. Je ne suis plus sûre de rien ; l’ai-je déjà été ? Peut-être en apparence, mais intrinsèquement je n’en suis pas certaine. Voyez, je ne me souviens plus, je suis perdue, à trop vouloir chercher le sublime, je suis tombée dans l’abîme qui absorbe ceux qui ne savent pas à quoi ils aspirent. Ma vie me va, certes, rien ne me fait défaut matériellement parlant, mais je ne suis pas obsédée par le fait de posséder. Je suis sûre d’une seule chose, la littérature me submerge, m’avale, je ne vis que pour Elle. Plus rien n’a d’importance quand les mots se mettent en rang, et forment la haie d’honneur nécessaire à mon cœur, à mon âme.
Actuellement, je lis les « Confessions » de Rousseau, dans un tout autre registre, où me subjuguent d’autres vibrations, celles d’un homme fragile, dans laquelle la douleur du corps se manifeste sans l’Ecriture. Il ne peut vivre ses peines sans les décrier. Autres façons de vivre les tourments du temps. Les maux ne sauraient être sans les mots pour les dire. Je poursuis donc une œuvre gigantesque de la littérature classique, par lequel, inconsciemment, je retrouverai alors cette force saturée d’adorer vivre. Sans cela pas de rémission en vue. Je ne suis que lorsque j’écris, alors je dois beaucoup lire pour que vivre redevienne une évidence, bien écrire pour que revive la joie, et retrouver la confiance que me procurent les mots. Bénis soient-ils. Qu’il en soit toujours ainsi, jusqu’à extinction des feux.
Je n’écris plus, cela depuis plus d‘une semaine, je ne suis plus, plus rien. La vie me pèse, je ne sers plus à rien, les mots me manquent, le sujet, la hargne, et pourtant… Le besoin est bien présent, inextinguible, à vie, avis à mes visiteurs, je vous aime, vous tous qui vous êtes attardés sur le blog sans diatribe aucune, non, elle est pour moi la vénéneuse, je suis ma propre diatribe. La plus virulente qu’il soit.





La nuit, le vent, le froid, la pluie rendaient mon humeur encore plus sombre. L’obscurité due au mauvais temps masquait totalement le ciel. Les étoiles semblaient s’être éteintes. Je faisais comme tous les soirs, et quelquefois même tard dans la nuit, ce que j’appelais ma ronde nocturne. Je descendais de la chambre afin de m’assurer que mes chevaux aillent bien, ce qui était le cas. La ponette dormait lovée entre les jambes de Jimmy, qui semblait imperturbable, plongé dans le sommeil paradoxal des équidés, c’est-à-dire, qu’ils ne dorment que d’un œil. Le battement de la porte de la cave, interrompait le silence de la nuit. Il fallait réparer le verrou, ou le changer. Mais mon mari avait suffisamment de travail, pour que je lui en laisse le temps. La pluie, faisait sortir une odeur d’humidité, qui accentuait la fragrance de la terre mouillée. Après m’être rassurée, je remontai dans la chambre où mon époux dormait, ainsi que ma chienne, d’un profond sommeil, à l’inverse des chevaux.
Il est terrible le diable, il arrive sans prévenir, relayant vos plus profondes croyances, à l’état de néant. Il est heureux, de vous voir souffrir, douter de tout, douter de vous, être une autre personne, complètement à l’opposé de ce celle que vous étiez la veille. Il se délecte de vous voir les nerfs à vif, cherchant un coin de ciel bleu quand votre âme est au plus-bas, il revient à la charge. « Ne m’oublie pas comme ça, toi qui croyait que tout était acquis, mais tes certitudes sont renvoyées. Appelle Dieu, il te répondra, mais moi, je masquerai sa voix de la mienne, et tu n’entendras que mes paroles, celles qui t’ont anéanti toute ta vie. »