La nuit, le vent, le froid, la pluie rendaient mon humeur encore plus sombre. L’obscurité due au mauvais temps masquait totalement le ciel. Les étoiles semblaient s’être éteintes. Je faisais comme tous les soirs, et quelquefois même tard dans la nuit, ce que j’appelais ma ronde nocturne. Je descendais de la chambre afin de m’assurer que mes chevaux aillent bien, ce qui était le cas. La ponette dormait lovée entre les jambes de Jimmy, qui semblait imperturbable, plongé dans le sommeil paradoxal des équidés, c’est-à-dire, qu’ils ne dorment que d’un œil. Le battement de la porte de la cave, interrompait le silence de la nuit. Il fallait réparer le verrou, ou le changer. Mais mon mari avait suffisamment de travail, pour que je lui en laisse le temps. La pluie, faisait sortir une odeur d’humidité, qui accentuait la fragrance de la terre mouillée. Après m’être rassurée, je remontai dans la chambre où mon époux dormait, ainsi que ma chienne, d’un profond sommeil, à l’inverse des chevaux.
Je ne pouvais me résigner à rester couchée. Les douze coups de minuits venaient de faire basculer la nuit dans un jour nouveau. Je respirai en profondeur, tentant de me calmer. Le vent avait une forte emprise sur moi, celle de me crisper, de mettre mes nerfs à vif. Je n’étais pas satisfaite de mes créations de la journée. Pas de corps à corps avec moi-même. Mon ambition s’en trouvait déstabilisée. En effet, j’avais peu dormi et beaucoup lu. Un peu de tout, beaucoup de rien ! Je détestais cette façon de m’opposer à une rigueur certaine et nécessaire à un travail aboutit. Je venais de relire le contenu de mon blog, et j’y trouvai une faute d’orthographe, de plus, la beauté des photos publiées n’étaient pas à la hauteur de mes espérances, ainsi que les quelques lignes qui les illustraient : médiocrité, malaise, mal-être. Méthode, voilà je manquais de méthode. J’étais comme un musicien sans son instrument.
Donner forme à ce que l’on vit au quotidien n’était pas une mince affaire, contrairement à ce que l’on pouvait imaginer. Cela induit à la coïncidence des phrases, la cohésion des mots. Je devais me soumettre à la chronologie de ma vie, clarifier ce qui méritait de l’être. Je réalisais qu’écrire sa vie, c’était se mettre en danger. Soudain, je ressentis une certaine angoisse. Donner forme au passé, aux évènements représentaient parfois un problème. Mon excessivité légendaire était une menace supplémentaire, un risque de perdition totale. Voilà l’état dans lequel je m’étais plongée, au risque de me noyer ; je devais illico refaire surface, et suivre la chronologie de ces journées. Ceci représentait la vision d’un horizon plutôt trouble. Mais je savais que je ne perdrai pas pieds. L’attrait de la nouveauté m’excitait et m’effrayait simultanément. La littérature ne souffrait aucune faute, j’avais trop de respect pour elle. Il fallait que la vie s’écrive comme elle s’écoulait, avec fluidité. J’oubliais le fait de n’avoir pas fait d’études de Lettres, et donc, je devais être deux fois plus irréprochable, tout en restant humble avec moi-même. J'écoutai l'interview de l'écrivaine Annie Ernaux, elle discourait exactement du sujet qui m'incombait, sur France Culture. Un seul de ses mots et elle me rendit à moi-même, inspiration, merci Madame. Je n'oubliai pas de commander expréssement son dernier livre, "L'Atelier noir", dans lequel, elle racontait avec véracité, sa vie de manière quotidienne. Cela risquait donc de m'aider dans ma démarche. Effectivement, j'étais en accord total avec ses dires. J'avais déjà lu "Passion simple" ainsi que "Journal du dehors". Cette personne me sembla être en adéquation avec l'idée que je me faisais de l'écriture. Cela ne datait pas d'hier. Pour éviter toutes formes de plagiat, je devais être très vigilante. La frontière était infimement sensible.
Mon histoire regardait mes futurs lecteurs, et je ne perdais pas de vue le but d’un bon ouvrage, celui d’apporter quelque chose d’utile. Je n’écris pas pour faire bien. Si le style suit le texte, ce sera une aubaine. Le rythme des descriptions était un moteur essentiel. Je ne doutais pas du bien fondé de mon engagement, j’étais décidé de mener à terme ce projet, quoi qu’il ait dû m’en coûter. Oui, j’allais replonger dans un passé douloureux, et c’était le seul moyen de faire fonctionner ma mémoire. Je ne dois pas avoir peur, j’étais terriblement seule, mon entourage n’avait rien à m’offrir quant à la question qui se posait ; je devais me débrouiller par mes propres moyens, sans attendre l’aide de quiconque. La trame, ajoutée à une cohérence harmonieuse, cela n’incombent et n’incomberaient toujours que moi. Je m’attendais au pire, car je savais ce (ceux) qui m’attendait (aient). Je savais les coups qu’il me faudrait esquiver.
Puis, je ne sais pas par quel miracle, enfin détendue, je me mis à sourire. Un grand sourire. « Allez, petite, tout cela n’est que simple littérature après tout ! (Humour), alors, zen… Voilà l’occasion de savoir une bonne fois pour toute si tu es apte à l’élaboration de ce livre en prévision, cet œuvre qui te taraude tant depuis des années, savoir si oui ou non, tu es capable de raconter ta vie, et de la mettre en forme au jour le jour de manière littéraire, c’est toujours ce que tu as voulu faire, n’est-ce pas, Ecrire,( le E majuscule a toute son importance) ; reste à savoir si Dieu guidera tes premiers pas dans la grande famille des intellectuels, mystère… »
C’était le prix à payer, et je n’étais pas très « riche », alors, courage !
Commentaires
Insomnie ou éveil : que choisir. La première est comme une maladie, le second est un miracle accordé à l'homme. En fait, on ne choisit pas, les choses arrivent d'elles-même lorsqu'elles sont portées à l'extrême. Le seul choix, rester dans le juste milieu, entre ci et çà.
Bravo pour votre blog qui traite de sujets intéressants. Je vous invite à regarder les quelques mots que je mets chaque jour dans :
http://regardssurunevissansfin.hautetfort.com/
Nous avons les mêmes centres d'intérêt.
Merci.