Les senteurs boisées et épicées de la campagne accompagnaient cet hymne à la beauté, sur lequel le printemps débutant venait de lever le voile. Ce spectacle là valait bien tous les opuscules du monde, et, prise entre terre et ciel, mes sens étaient exhortés et entre- deux planètes sublunaires. Quelle splendeur que la résurrection de cette magnifique saison. Le printemps, le renouveau, le reviviscent, naître à nouveau, vivant en osmose totale avec La nature, le sublime sous mes yeux, je reprenais de l’amplitude, je renaissais à la littérature, à la magnificence des livres que je parcourais avec férocité. Il y en avait (presque) pour tous les goûts.
Sur ma table de chevet encombrée, du Sollers à grande échelle, bons nombre de ses livres y siégeaient pour mon plus grand bonheur. Il y avait aussi Thomas de Quincey et ses souffrances opiacées, ou encore Rilke ou Goethe pour leur poésie si épurée. Puis, s’en vient Artaud et Van Gogh alimentant un besoin avide de connaissances. Tous les domaines établissaient leur nid au creux des jougs, des addictions pléthoriques du Savoir sans fin.
Je devais remercier Sollers pour ses encyclopédies à nulle autres pareilles, mêlant plaisirs et connaissances, savoir et recevoir. Je lui dois beaucoup. De livres en livres, je n’en finirai jamais d’apprendre et de m’enrichir de ses sciences infusées, très très aromatisées. Que voulez-vous, cet auteur est un magicien, qui non content de ses précieuses curiosités, porte en lui la magique déflagration de vous faire voyager par je ne sais quelle potion dont lui seul détient la recette et porte l’estampe, le sceau dans la paume de ses mains. Je pourrais énumérer ses préférences, je les connais sur le bout de mes doigts : La Chine, les Papes, Paris, Venise, la Grèce, puis ses auteurs et peintres ô combien affectionnés, tels que Homère, Stendhal, Voltaire, Nietzsche, Artaud, Baudelaire, Rimbaud, Châteaubriand, Sade, Casanova, Saint-Simon, Picasso, Manet, irréductiblement, Fragonard, et j’en oublie tant la liste est longue. Pendant que je recherche tout ce qui me fait défaut, j’apprends dans la « Guerre du goût » tout l’Art du monde en un seul livre. « Eloge de l’infini » est vraiment infini. Tout cet art vous affranchit et vous fait avancer sur la grande échelle de l’érudition tonitruante, assourdissante, déployée et vivante. Lire Barthes exprimer son admiration pour « Paradis I et II » entre-autres. Ouvrage sans ponctuations ni majuscules. « Aller à l’essentiel »… Cela est majeur. Ecouter un rondeau de Bach, Haendel et son Messie, ou encore Haydn et ses Surprises militaires vous émouvoir, ou encore le Requiem de Mozart, cela est essentiel, comme la voix de Cecilia Bartoli au lyrisme parfait, dirait-il. Tout cela monte aux Cieux...Majestueux.
Donner aux lecteurs l’envie de vivre, de savoir, d’apprendre, de vous surprendre quelquefois lorsqu’il parle d’amour… cela n’appartient qu’à lui. Il est le feu d’une doctrine concupiscente, sensuelle et avec suites. La musique classique ou le jazz, rien ne le laisse froid. Cette volonté du bonheur, si déficiente chez des écrivains pourtant magistraux, Sollers, lui, est le chef d’orchestre d’une sonate au clair de lune sous une tonnelle ou une véranda à Venise, le Bien et le Juste, il en fait son affaire. Les affres de la vie ? Il n’en a que faire, cela l’indiffère, il ne le digère pas. Tandis que d’autres aiment à se perdre, lui, s’est trouvé depuis longtemps déjà. Apprendre la vie, oui, avec Ph. Sollers, on s’initie en s’amusant. Je suis sûre d’une seule chose, c’est que je n’en aurai jamais fini avec cet extravagant personnage, citant quelques vers de Baudelaire, et, éclaircissant tout ce qui jaunit. Le passé n’est jamais une question de mode. Tout est retranscrit au goût du jour, et cela avec l’amour des mots, le style, lui, l’a dans la peau, dans l’évanescence des mots, sémiologiques et authentiques. Ses anaphores et ellipses sont des grains de beauté imprimées sur ses pages raffinées. Infiniment et pour toujours, Sollersienne. Sans tambour ni trompette, mais à la lueur de la clarinette ou du hautbois, de ses fugues ou de ses rigodons…Allons bon, voici Vivant Denon et ses lendemains rendus !
Funeste soliloque où les pensées les plus pernicieuses qui soient, vous dévorent sans savoir très bien, qui l'on est, où l'on va. Non, je ne saurais me complaire dans ces instants où l'on se sent perdue, je persiste à croire que le soleil brille et brillera encore longtemps, à travers l'écriture, à travers l'intelligence dont je suis l'élève assidue pour le restant de mes jours. 
L'ineffable, l'indicible, ce qui ne peut ni ne doit être raconté, il faut le masquer, le maquiller de manière à le rendre moins noir, moins ennuyeux à la lecture, et ne pas être trop violente. 



La littérature n’était pas une question d’argent… Peu m’importait le fait que j’en gagne ou pas grâce ou à cause d’Elle. A cause, car je ne voulais pas mêler l'appât du gain au fait d'écrire. Le seul fait de se sentir appréciée, « aimée », lue tout simplement, suffisait à réguler le précepte d’égocentrisme, inhérent à tout écrivain.
La nuit, le vent, le froid, la pluie rendaient mon humeur encore plus sombre. L’obscurité due au mauvais temps masquait totalement le ciel. Les étoiles semblaient s’être éteintes. Je faisais comme tous les soirs, et quelquefois même tard dans la nuit, ce que j’appelais ma ronde nocturne. Je  descendais de la chambre afin de m’assurer que mes chevaux aillent bien, ce qui était le cas. La ponette dormait lovée entre les jambes de Jimmy, qui semblait imperturbable, plongé dans le sommeil paradoxal des équidés, c’est-à-dire, qu’ils ne dorment que d’un œil. Le battement de la porte de la cave, interrompait le silence de la nuit. Il fallait réparer le verrou, ou le changer. Mais mon mari avait suffisamment de travail, pour que je lui en laisse le temps. La pluie, faisait sortir une odeur d’humidité, qui accentuait la fragrance de la terre mouillée. Après m’être rassurée, je remontai dans la chambre où mon époux dormait, ainsi que ma chienne, d’un profond sommeil, à l’inverse des chevaux.
Comme prévu, le bébé poney est arrivé. Elle s’appelle Bobine, et est vraiment toute petite, pas plus haute que ma chienne ! Gemini, mon cheval est tout content, cabrioles, sauts, allures "classieuses", c’est son cadeau de Noël, j’espère qu’il sera courtois avec cette petite bête… Ils se sentent, se toisent, elle hennit très souvent, premier jour de sevrage. Je suis aux anges, mon mari aussi ; même si cela représente encore davantage de travail ! Ne jamais donner plus d’amour, de caresses, de gâteries,  à un plus qu’à l’autre, très important pour éviter toute jalousie qui entraînerait d’incongrues postures. Je prie le Bon Dieu, pour que cette nouvelle venue n’ait pas à subir les désagréments du cheval.  J’avouerais qu’une petite peur siège à l’intérieur de mon cœur. L’aspect de la nouveauté, cela me réjouit, oui mais si lui arrivait malheur, je ne le supporterai pas. Un poney mange autant que vous le lui permettez,  je dois donc redoubler de vigilance, car Gemini, lorsqu’il est rassasié cesse d’ingurgiter ; il n’en est pas de même pour les Shetland, qui au contraire, mangent autant que possible. C’est une journée rare dont je susurre les secondes avec délectation, et qui défilent, toujours très vite. Ce temps, qui inévitablement, ne cesse jamais de vous faire avancer, du bon ou du mauvais côté de la barrière, il vous entraîne dans sa course folle, que vous le vouliez ou non. Il est terrible le temps, en vieillissant, on s’en aperçoit vraiment. Il est indéniable de s’y adapter, sinon, vous restez en rade ! Mes animaux sont une source de jouvence pour ceux qui les chérissent. Certes, la loi de la nature est parfois intransigeante, alors surveillance renforcée. Voilà, je vais devoir cesser d’écrire afin de nourrir « mes enfants », qui déjà, vus de la baie vitrée, s’impatientent tels des lions en cage !
