Photos Valérie Bergmann
rêve
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Découverte d'un monde à part ... Dès demain
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Virginia Woolf.
"La seule vie qui soit passsionnante est la vie imaginaire".
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"Défets" sur mon lit...
État normal certifié :
Un jour je reviendrai à la vie, quand je mourrai. Cette phrase me plait. Elle me va comme un gant de soie recouvrant une main de velours. Allez comprendre. Tout et son contraire font de moi ce qu’ils veulent, et ils en veulent des choses. Des belles, des jolies choses. Celles qui méritent qu’on les écrivent, celles qui méritent d’être lues. Prétention ? Aucune. Amour de l’Autre, beaucoup. La nuit m’avait pris dans ses quartiers de lune et je jouais du stylo comme d’autres du violoncelle.
Les oxymores lumineux dévorent le papier comme un Gargantua. Les mots prennent feu, et font de jolies flammes de joie dans lesquelles je ne brûle jamais. La reprise du verbe, silencieux mais volontaire serait plus joyeux qu’éphémère. Mais quoi qu’il en soit, un jour je reviendrai à la vie, quand je mourrai. C’était ainsi que se profilaient mes jours. Je mourrai de sagesse et non pas de tristesse. J’avais baigné dedans toute ma vie, alors je ne pouvais que m’égayer dans l’au-delà, l’eau de là, l’eau d’ici, l’eau sacrée dans laquelle je trempe mes yeux, délavés de larmes, et, de plus en plus clairs à mesure que le jour s’en va. Avide d’obscurités, tempête dans ma tête. Vision de bonheur, de bonne heure, se profilant à l’horizontale, se terminant à la verticale. Le monde était fou et j’étais son actrice autarcique. Sur le pôle nord de mes nuits blanches, océane marine, ne cherchant pas la rime. Elle se jette du haut de ses certitudes la rime, elle sent la frime la rime. Alors, je l’oublie, mais c’est elle qui revient, sûre d’elle, s’immiscer entre mes mots. Ainsi soit-il. L’essentiel est qu’ils respirent, ponctuation oblige. Netteté dans le fond mais aussi dans la forme. Le vrai plaisir, c’est le stylo, lorsqu’il patine sur le papier, qu’il vous emmène là où vous ne savez pas. Magie de l’écriture. Adoration garantie de ce qui fait ma vie.
Tous les livres sont mes amis, romans, biographies, recueil de poésie, nouvelles, pas vraiment récentes, philosophie, histoire, théologie, voilà de quoi est rempli mon panier à commissions. (Retard sur les impayés.) De leurs palabres, de la tonalité qu’ils donnent à mes chansons. La musique est si belle quand on la regarde de face. Le lyrisme me tend les bras, je me love dans cette étrange traversée que représente la trame de leur portée. Je navigue en do bémol, et me noie dans le sol, trop profond pour moi.
L’écume est à mes pieds, comme le reflet lunaire jetant sa lumière sur les ondes claires. Variations autour des courants d’eaux. Torrents bouillonnants de bruits sauvages, comme l’amour, la passion, comme la vie qui fait des bonds.
Voici le rêve que je fis cette nuit… autour de moi l’alphabet se délite, et je remplis mes flacons de son eau bénite. Magique.
Merci à la douce folie dont je m’asperge cette nuit. Que jamais ne cesse cette ode à la rêverie. Que jamais ne se referment les portes du paradis… Béni.
L’inutile peut tout se permettre.
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Rêve...
Devant la frénésie de mon appétence créatrice, dormir était devenu un besoin vital plus qu'une envie naturelle. Fatigue et surexcitation avaient fait leur nid au sein de mon être. Je réussis malgré tout à dormir quelques heures. Durant mon sommeil, je rêvais de ma Grand- mère . Ce songe avait une signification. Elle me disait de ne pas la suivre. Elle me fuyait, chose improbable de son vivant. Nous étions si souvent ensemble! Ô mamie tu me manques! Voilà que mes yeux se mirent à briller devant la puissante montée du chagrin ressenti. Malgré tous les efforts nécessaires pour ne pas trop m'apitoyer sur ma peine, les larmes me furent imposées. Visage trempé. On pleure toujours quelqu'un par égoïsme, c'est du moins ce que je crois, surtout dans le cas de ma grand- mère, qui endura pendant plus de douze ans la maladie d'Alzheimer, et dont je m'occupais durant quelques années. Puis Maman prit le relais.
Je faisais la "morale" à ma mère, très souvent par téléphone, elle pleurait tel un petit enfant. Alors, je redoublais de courage afin que nous ne sombrions pas dans une irrémédiable et profonde tristesse. Je savais que si je me laissais aller à la peine, je n 'étais pas sûre de recouvrer un moral d'acier, ce dont j'avais le plus besoin, pour être seulement vivante.
Mais, c'était sans compter sur l'inconscient, qui lui, n'oubliait rien de tout cela, et faisait resurgir de douloureux souvenirs, alors je jurais que le livre prendrait vie. Je mettrai le temps nécessaire, mais j'y parviendrai. Je l'ai déjà dit: Rien ni personne ne saurait me faire reculer. Ce sera son cadeau d'Adieu. Devrais- je y laisser ma peau... de chagrin, j'achèverai mes mémoires en hommage à Mamie. Je lui devais tant, et Elle aurait été si fière devant le bonheur de voir sa petite- fille s'accomplir dans le domaine qu'elle affectionnait tant, celui de la littérature. Mon arrière grand- mère m'avait appris à lire dès l'âge de cinq ans.Nous vivions entre femmes, ma mère, souvent absente, ma grand-mère, et mon arrière grand-mère, et ce jusqu'à l'âge de vingt ans, début 1987, le 2 janvier plus exactement, date à laquelle mon aïeulle s'éteignit... Pause.
Déjà solitaire, enfant, j'écumais tous les livres de la bibliothèque rose, puis verte, puis vint Marcel Aymé et son chat perché, Delphine et Marinette, Alain Fournier, Jack London, Lafontaine et ses Fables fameuses, Verlaine et la pluie sur son coeur, pour ne citer qu'eux. La poésie et les livres avaient déjà fait leur entrée. J'ai toujours conservé un petit recueil de "poèmes", j'avais dix ans à peine. "La neige et son blanc manteau", revenaient si souvent dans mes thèmes! J'en compris bien plus tard la signification.
Contrairement aux enfants de ma classe qui partaient chaque hiver à la montagne accompagnés de leurs parents, moi, j 'inventais ce que je ne faisais pas. Je ne manquais de rien, certes pas, mais le foyer familial traditionnel me fit douloureusement défaut. Je fus adulte avant d'être enfant! C'est exactement ainsi que je résume ma vie passée... Puis vint le moment où la terre se mit à trembler... cela était irrémédiable pour un être à la sensibilité exacerbée...Hypersensible. Alors, je me pris comme cible, tient, ça rime... à rien! Gâchis, le seul et unique mot résumant mon adolescence. Réveil des sens, çà rime encore, effort..., non, ça suffira pour aujourd'hui...
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Madame rêve ...ad libitum-Le regretté Bashung
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A lire d'urgence, excellent! Ne pas "oublire"!...
Le journal du mois, novembre 2007
Dans l’actualité du mois sollersienne, il y a le tir à vue d’une partie de "la critique", sur ses Mémoires. Accusé, levez-vous. Qu’avez-vous à dire pour votre défense ?
L’accusé : Oh vous savez, Monsieur le Procureur, « — J’ai fait dire, selon ma coutume, beaucoup de bêtises. Car j’ai le don d’ahurir la critique. »
Le Procureur : Vous avouez donc.. ?
L’accusé : murmurant, comme pour lui-même... « Plus je vais, plus la Sottise me blesse. »
Le Procureur : Des mots, toujours des mots,
Ô mots poison
Qui vous font perdre la raison
Vous êtes insultant, infamant, diffamant, écoeurant...L’accusé : ...« Amusantes, ces coupures de presse. Elles donnent bien le ton de la méchanceté envieuse, lâche, imbécile, féroce, implacable, naturelle, banale, fastidieuse. C’est ça l’opinion. » ...critiques épileptiques de haine et de sottises, et de médiocrité vexée, surtout. C’est la pire, l’irrémissible.
Le Procureur : « Vous êtes repris par vos vieux démons maoïstes... »
L’accusé : « On ne me découragera pas facilement de révolutionner la littérature française. Je veux avant de crever rendre encore 100.000 crapauds des Lettres épileptiques, tétaniques. »
Le Procureur : N’ajoutez rien misérable
Vous êtes déjà trop coupable
Allez hop, en prison !Dialogue imaginaire ? Pas tant que çà, Sollers a confié sa défense à Flaubert et Céline. Lisez son journal du mois pour que soit rendu à chacun ce qui lui appartient. Comment fait cet homme "archaïque", sans ordinateur, sans moteur de recherche pour rassembler les pièces utiles à son plaidoyer. Quand il dénonce la « dévastation quasiment neurologique de la capacité de lecture et de mémorisation », l’oubli de notre culture, qu’il rassemble les pierres de Rosette pour demain, arrogance insolente ? Ou constat d’un homme, somme de culture littéraire peu commune, à lui seul ? Un hyperdoué hors norme, un dinosaure éléphantesque : dans sa mémoire, une grande part de notre histoire grecque, latine, judéo-chrétienne, accumulée en cinquante ans. Plus un flirt chinois commencé avec deux ans d’apprentissage de la langue et une fréquentation continue de ses penseurs traditionnels...
La métrique de la norme, du commun, n’est pas la plus pertinente pour rendre compte du hors-norme. Des Lacan ou Voltaire pour ne citer que deux autres hors-normes, bien différents, ont aussi déclenché les foudres de nombreux contemporains. L’hyperdoué hors-norme n’est pas exempt des faiblesses du commun mais ses forces le propulsent très au dessus. Dissymétrie par le haut. La nature a horreur de l’égalité ...Consternant, élitiste, "non citoyen", injuste, immoral !
Epilogue :
« ...la culbute est inévitable, surtout dans le tunnel de l’Alma. Tant pis, voilà une mort ridicule, une brève en fin de journal, « Sollers se tue en moto sur les quais de la Seine, mais que diable allait-il faire en moto ? ». Mort d’un écrivain médiatique : bon débarras, il finissait par nous gonfler avec son narcissisme, il vient de publier ses Mémoires où, c’est consternant, il parle tout le temps de lui. A quoi pensait-il pendant sa randonnée fantastique ? »
Philippe SOLLERSL’autodérision n’est pas si commune chez les hyperdoués, qu’elle mérite bien un petit salut - du haut de ma motte liliputienne.
Rêve
Il est six heures du matin, on sonne à ma porte. Je crois d’abord qu’il s’agit d’une erreur, je ne bouge pas, mais on continue à sonner, à tambouriner, et là, je me dis qu’il doit s’agir des pompiers, et qu’il y a probablement un incendie dans l’immeuble. Je me lève, je vais ouvrir en pyjama, et quelle n’est pas ma surprise : Sarkozy, lui-même, le Président, entouré de deux gardes du corps très dissuasifs. Il a l’air très en forme, le Président, il me tape sur l’épaule, il entre, il fait comme chez lui, il me dit qu’en ce moment il a un peu de temps pour lui, pas de télé aujourd’hui, il veut se détendre, discuter avec un gréviste intellectuel. « Alors, comme ça, vous soutenez le mouvement social ?, me dit-il, vous êtes repris par vos vieux démons gauchistes ? » Je ne dis rien, je file doux, j’attends la suite. « Eh bien, me lance le Président, c’est très simple : je viens écrire votre Journal du mois à votre place. Vous ne comprenez rien à mon action, je vais vous écrire ça, ça vous changera. » Le Président installe son ordinateur, il commence à pianoter à toute allure, on sait qu’il est rapide, qu’il circule sans cesse en avion même sans avion, mais là il m’épate. Tout y passe très vite : les marins pêcheurs, les cheminots, les syndicats, les métros, les universités, la fermeté, l’ouverture, et encore la fermeté et encore l’ouverture, les rencontres avec Bush et avec Chavez, la délicieuse mollesse responsable des socialistes, l’avenir de la France des cathédrales à Jaurès, un éblouissant éloge de l’argent qui, bien entendu, doit être à la portée de tous, une promesse de nuit au Fouquet’s pour tous les travailleurs de France, et, sur la fin, une citation célèbre de Maurice Thorez : « Il faut savoir terminer une grève. » « Voilà, me dit le Président, vous pouvez vous remettre au lit, les glandeurs comme vous ont besoin de sommeil. » Là, je me réveille, et je pense qu’une fois de plus je vais être obligé de marcher une bonne partie de la journée sous la pluie.
Grèves
Le plus curieux, dans la grande galère des rues, c’est qu’il n’y a pas que des visages renfrognés et fermés, il y a aussi des sourires. Les usagers exténués ont encore la force, parfois, de vous dire bonjour (vu à la télé). Mais comment vais-je faire pour rejoindre un studio pour une interview en direct, dans tout ce bordel ? Une seule solution, le moto-taxi, un vrai sport de pointe. Mon motard m’emmitoufle, me met un casque qui sera battu par la grêle, et se lance comme un skieur à travers Paris. Le vélo c’est bien, la moto c’est mieux, et j’admire immédiatement la virtuosité de mon conducteur. Il sinue entre les voitures, rétroviseur contre rétroviseur, on joue sur des centimètres, on se faufile à toute allure, je me dis que cette fois, c’est fini, la culbute est inévitable, surtout dans le tunnel de l’Alma. Tant pis, voilà une mort ridicule, une brève en fin de journal, « Sollers se tue en moto sur les quais de la Seine, mais que diable allait-il faire en moto ? ». Mort d’un écrivain médiatique : bon débarras, il finissait par nous gonfler avec son narcissisme, il vient de publier ses Mémoires où, c’est consternant, il parle tout le temps de lui. A quoi pensait-il pendant sa randonnée fantastique ? A un article à faire pour L’Observateur, un truc très difficile sur les gnostiques, un gros volume de la Pléiade qui vient de paraître. Les gnostiques, c’est quoi ? Des illuminés des premiers siècles de notre ère, des fous qui vous disent tranquillement qu’ils vivent dans la Lumière et la connaissance absolue. Avouez que cogiter sur les gnostiques en moto, ça ne manque pas d’allure. « Ceux qui dorment, je les réveille, et c’est moi la vue pour ceux qui se tournent vers le sommeil. » Je vais envoyer le livre au Président, on ne sait jamais, il aura peut-être une révélation soudaine.
Enfants
Dans le genre cafouillage effroyable, il y a, bien sûr, l’affaire de l’Arche de Zoé, trafic d’enfants à la carte, véritable obsession de notre époque, comme le prouve l’aventure d’un gynécologue réputé, accusé d’avoir abusé d’un grand nombre de ses patientes. La profession tout entière est gênée, on n’a pas l’habitude de projecteurs braqués sur cette industrie florissante. Voici la confession d’une des femmes : « J’étais allée le voir pour une FIV. Au départ, il était très correct, chaleureux. Il donnait le sentiment de vouloir tout faire pour me donner cet enfant. Vous savez, quand on se bat depuis des années contre la stérilité, on a envie de tomber sur un grand magicien, sur quelqu’un qui va aller contre la nature... Au bout de deux consultations, j’ai été mise dans un protocole lourd. Et c’est là qu’il a commencé à avoir une attitude anormale. » Voici la phrase la plus terrible : « Il m’a violée la veille de me faire une ponction ovocytaire. » A vomir, donc. De même que sont à vomir ces images d’enfants tchadiens donnés ou vendus pour des adoptions problématiques. Comment ne pas constater que la plupart des adultes sont des enfants ratés qui, ensuite, se vengent sur des enfants ? Voyez le vieux Robbe-Grillet et son livre péniblement pornographique vendu sous préservatif, emballage primaire d’un membre pseudo-rétif de l’Académie française. Bien entendu, ce brave diable est pieusement soutenu par le magazine super-branché Les Inrockuptibles. Robbe-Grillet s’y déclare d’ailleurs supérieur à Sade, on aura tout vu. Sade a une imagination criminelle grandiose, alors que, dans ce pensum, on se traîne en province petite-bourgeoise. Comme disait Céline : « On voudrait un peu de véritable luciférisme, on ne rencontre que de prudents rentiers de l’horreur. »
Drôles de types
Je vous conseille de lire en même temps le tome V de la Correspondance générale de Flaubert [1] et les Lettres à Marie Canavaggia de Céline [2]. Le rapprochement est parfois saisissant, et, en tout cas, vous vous ennuierez moins qu’avec le dernier roman de Philip Roth, d’un naturalisme morbide et déprimant au possible. Flaubert n’arrête pas de parler de la « sacro-sainte Littérature », il se compare d’ailleurs souvent à un saint dans une époque étouffante où la bêtise est, selon lui, parvenue à son comble (mais non, on peut aller encore plus loin). « Deux choses me soutiennent : l’amour de la Littérature et la Haine du Bourgeois - résumé, condensé maintenant dans ce qu’on appelle le Grand Parti de l’Ordre. » On est ici en 1877, mais on peut écrire 2007. « Plus je vais, plus la Sottise me blesse. » Flaubert vient d’écrire ses Trois contes, il se lance dans Bouvard et Pécuchet. « J’ai fait dire, selon ma coutume, beaucoup de bêtises. Car j’ai le don d’ahurir la critique. » Et encore : « La Sottise est naturelle au Pouvoir. Je hais frénétiquement ces idiots qui veulent écraser la muse sous les talons de leurs bottes. D’un revers de ses plumes elle leur casse la gueule, et remonte au ciel. Mais ce crime-là, qui est la négation du Saint-Esprit, est le plus grand des crimes. Et peutêtre le seul crime ? » Et encore : « La bêtise humaine, actuellement, m’écrase si fort que je me fais l’effet d’une mouche ayant sur le dos l’Himalaya. » Céline, lui, est tout aussi explosif : « Amusantes, ces coupures de presse. Elles donnent bien le ton de la méchanceté envieuse, lâche, imbécile, féroce, implacable, naturelle, banale, fastidieuse. C’est ça l’opinion. » Il en vient à trouver les critiques « épileptiques de haine et de sottises, et de médiocrité vexée, surtout. C’est la pire, l’irrémissible. » C’est lui qui souligne, et « médiocrité vexée » est une trouvaille géniale. Et encore (très à la Flaubert) : « On ne me découragera pas facilement de révolutionner la littérature française. Je veux avant de crever rendre encore 100.000 crapauds des Lettres épileptiques, tétaniques. » Et encore : « Les critiques ne disent jamais que des sottises. Ils esquivent l’effort par le cancan et le menu chantage, journalistes avant tout, ce sont des papoteurs. Vous vous habituerez vite à ne jamais rien lire que sous cet angle. Mais ce qu’ils écrivent là est encore beaucoup trop favorable. Je voudrais bien qu’un autre se décide à me couvrir de crachats, cette modération relative est banale. C’est un ton qui s’oublie trop vite, la foule est sadique et lâche et envieuse et destructrice. Il faut lui donner des sensations de sac et de pillage et d’écrabouillage, autrement elle ne marche pas. » Flaubert parle souvent de la haine suscitée par la littérature, et même « d’une haine inconsciente du style ». En voyant la dévastation quasiment neurologique de la capacité de lecture et de mémorisation, j’ai cru bon d’inventer le verbe « oublire », qui conjugue le fait de lire et d’oublier aussitôt ce qu’on a lu. Désormais, je vais demander : « Vous m’avez oublu ? »
Philippe Sollers,
Le Journal du Dimanche N° 3176 du dimanche 25 novembre 2007._