C’est le mot qui me vient quand je pense à ma vie. Vie volée. Infiniment prise. Rien que je ne puisse écrire sans ternir les couleurs de l’Amour. Ah le drôle de mot qu’est l’amour, il signifie tellement, et se méprend parfois, se confondant avec ce que l’on croit être … Mais qui n’est pas, ou plus, ou qui n’a jamais été. Insupportablement douloureux. Je ne sais pas mentir, faire passer pour de l’or ce qui n’est en fait que du mauvais plaqué. Cela ne concerne personne en particulier, et tout le monde en général.
Incompréhension totale, à la forme d’une certaine spirale, folie mensongère à laquelle je ne saurais adhérer, car trop fidèle à moi-même. Vous parler de la pluie, du beau temps, vous dire que la météo de mon cœur est au beau fixe? Alors que je ne vois que de gros nuages stigmatisants le ciel insensé de mes dernières années. Vous voulez de la gaieté, aujourd’hui je ne saurais vous en donner, veuillez m’en excuser, je m’abandonne à moi-même. Qui a le droit autour de moi, je précise, de me blâmer ? Peut-être mon cheval, lui seul fidèlement, imperturbablement vrai. A la différence de ceux en qui vous croyez, ceux à qui vous donnez tout, sans demi-mesure, et qui, au final, vous malmènent insidieusement. Par des bribes de phrases, mais si suggestives ! En vous faisant comprendre, qu’il y a un temps pour tout, que l’écriture n’est pas une fin en soi, que je dois parfois me ranger du côté des gens qui n’écrivent pas, et m’activer à l’intendance du foyer, comme toute bonne épouse que je ne suis pas, et que je ne serai jamais. Là-dessus, aucune ambiguïté ! La culpabilité dans laquelle on vous plonge, en sachant combien vous rongeront les jugements que l’on vous porte est un retour de manivelle infernal, qui vous donne la sensation d’écrire ce qui ne devrait pas l’être. Je dois continuer… et si je ne décrivais pas la vérité ? Qui peut savoir où commence l’autobiographie, et où se termine le roman de votre analyse ? Pas même moi.
On écrit toujours sur ce qui vous semble être la réalité, mais après tout, mon erreur serait humaine… Trop humaine peut-être. Je sais que vous lisez entre mes lignes…
Mais voilà que le ciel s’éclaircit, que se dissipent les cumulus, banal, puisque envers et contre tout, j’ai repris la plume. Cela me rend heureuse, et ce, malgré moi, malgré tout. L’unité indéfectible avec laquelle vous ne faites qu’un. Pas celle des jours mis entre parenthèses, quand vous poétisez parce que vous devez vous taire. Dimanche, jour du Seigneur, alors on obtempère. Mais on n’est pas content de soi, pas satisfait du tout. Alors, relecture des autres articles de mon journal, trop de répétitions, je dois changer d’orientation, et pour ce faire, je ne sais Etre que dans la fidélité du moi, faire du mieux possible rimer vérité avec objectivité, dans un dessein d’impartialité, obstinément. Cela m’est dicté. Je ne suis qu’une intermédiaire entre la volonté d’authenticité et le besoin de raconter. Tant pis si ceux qui disent m’aimer se froissent, il leur sera nécessaire, à moins de me tuer pour me faire taire, qu’ils s’y habituent à un moment ou à un autre. Il n’existe qu’une Valérie, et elle n’est pas folle, ou plutôt folle d’écrire. Amoureuse des mots qui coulent sur le papier telle une veine qui perdrait son sang, parce qu’on aurait trop serré le garrot… J’insiste sur le fait, celui de ne pas perdre de vue que tout n’est qu’illusion, comme la vie en elle-même, et qu'il peut m'arriver de mentir par omission, ou par simple nécessité.
Iniquité générale, incompréhension de mon entourage, qui, sans méchanceté aucune, je le dis, n’a jamais ouvert un livre de sa vie, je dis cela sans amertume, vraiment. La seule personne susceptible de comprendre, ou plus précisément de me comprendre, ne peut être que mon père ; hélas, il vit dans un foyer, et je ne veux pas l’ennuyer avec mes écrits.Le passé comme je le perçois, risquerait de le blesser, et là je mets deux points d’honneur : je me tais. Autre point douloureux à l’extrême, sa vie à lui, qui par essence, est un peu la mienne, tant nous nous ressemblons. Voilà pourquoi je n’ai pas encore eu le courage de parler de lui. Chaque chose en son temps, ce n’est pas moi qui choisis, c’est Dieu, ou la vie, ou le destin, ou une Entité à laquelle je ne peux qu’adhérer. Au risque presque certain de me perdre. Mais qu'importe, je suis forte, et je me retrouverai, tôt ou tard. Je reviens de si loin que je peux revenir de tout, la maladie mise à part, cela va sans dire.
Mais je sens monter en moi, une certaine forme de gaieté retrouvée, les mots, mon seul défaut sans doute, me régénèrent, sans que jamais je n’exagère. Le concerto Grosso de Vivaldi est également un excellent remède, comme toutes les belles musiques sans lesquelles je ne puis plus vivre, et ce, depuis peu. Comble de remise en question quand on a écouté toute sa vie de la variété française. J’ai même écris un titre en langue espagnole pour les Gypsies Kings, il y a déjà cinq ans. Le titre figure sur l’album « Suerte » de Chico, et s’intitule « Siempre cantare ». Mon nom y figure en tout petit ! C’est un peu grâce à lui que l'écriture a repris son droit, celle de poèmes, en français, cette fois. Je l’en remercie vivement. L’espagnol est la seconde langue après le français, que j’affectionne, avant même la langue anglaise. Quel bonheur, de parler dans la langue des conquistadors ! Puis, (ça aide), je vécus un an avec des espagnols, anciens junkies, au sein d’une structure pour drogués réfractaires à toute autre forme de vie… Merci « Le Patriarche » ! Je ne serais pas là sans la Fondation, atrocement laborieuse à supporter, mais dans mon cas, réussite intégrale ; cela vaut bien toutes les douleurs du monde, car je suis vi-van-te. Miraculeusement miraculée, mais vivante. Durant ces mois d’exil, j’écrivais pour le journal « Antitox », que nous allions ensuite vendre dans les rues. J’ai travaillé comme un forcené pour oublier la drogue, et je suis guérie, définitivement. Là-dessus pas de soucis à se faire. Cela est très difficile, mais quand on s’en sort, on est … au-dessus de beaucoup de choses... Quête permanente de La Vérité, recherche du pourquoi, le comment, on ne le connaît que trop.
Lucie Jansch