honte
-
Lea Vicenze ... et ses (invré)semblables...
-
Pas d'image.
Le baromètre affiche fièrement ses moins dix degrés, expression de la vie, réveillant ce qui était jusqu’ici endormi. Rares sont les instants où la nature vous croque à pleines dents. Sa morsure est aussi offensive que des crocs d’animal félin. Le corps s’ankylose, se raidit, c’est la vie qui sourit depuis la banquise, de nous voir si affaiblis quand les saisons jouent à juste titre, leur premier rôle. C’est la dérive des continents, l’autre côté de la rive, de l’autre côté du globe.
Le gris du ciel est uniforme, pas la moindre subdivision, le spectacle est dans la tête et dans les cœurs des animaux, à la facilité d’adaptation attrayante. Leurs poils sont si condensés que rien ne semble pouvoir les transpercer. Ils ont l'air surpris de nous voir déguisés en Inuits, de quel drôle d’accoutrement sommes-nous affublés ? Leur odorat est une arme pour nous identifier. Méconnaissables, nous sortons qu’en cas d’extrême urgence, au moment de ramasser le crottin des chevaux, à l’heure du repas, là je n’y échappe pas, c’est à l’extérieur que ça se passe. Par ce temps, les livres sont des amis très intimes, les mots, les images sont infiniment plus prolixes que le froid qui vous dévore, et s'immisce en nous sans la moindre pitié !
Pauvres êtres humains que nous sommes, qui par une température extrême, se sentons menacés, violés par un temps qui n’est rien de plus qu’un hiver, un véritable hiver, celui qui mérite le nom de saison. Jusqu’ici nous avions connu des ersatz d’époques. Il est temps d’appréhender les gerçures, celles qui nous épurent, nous lavent le corps et l’esprit. L’âme se révèle par cette fraction de temps. Froideur, gel, glace, verglas, givre, frimas, s’immiscent dans un opéra "roc" de glaciers farauds, c’est l’écume du temps qui culmine au clair gelé d’un hiver fortement exclamé. La Nature prend sa revanche, c’est elle qui mène la danse, la chorégraphie des glaçons, l’arctique est la scène du spectacle. Nous devenons des manchots avec nos duvets sur le dos. Les bouts de nos nez ont rougis, les doigts se sont engourdis, par un vent cinglant et siffleur. Ah, la menace de la glace, le tourbillon des glaçons, le cinéma des patinoires de verglas, la farandole de l’autre pôle ! Les champs hésitent entre neige et terre, l'avantage de la mélasse. Tout cela depuis la fenêtre, je suis l’Homme dans toute sa fébrilité. Un instant, j’ai presque honte en pensant à tous ceux qui n’ont pas d’abri. Quel temps pourri, c’est insupportable de savoir que quelques millions d’individus se tordent dans les rues, et, sous les ponts, quartier résidentiel de ceux à qui la vie n’a pas dit oui. Les malheureux, les maudits, les sans abris croulent sous le poids des éléments naturels. Rappelez moi quel siècle nous sommes, pour voir si le passé est dépassé. Je vois que non, les temps modernes n’ont rien apporté comme bonne nouvelle, nous ne faisons pas mieux que lors des temps moyenâgeux. La technique et sa constante évolution n’ont plus de raison d’être quand les gens meurent de froid, moi, j’ai le cœur qui pleure. Au diable, les vers, la littérature, les jolies phrases n’ont plus la même résonance puisque des gens crèvent sur terre, l’intelligence n’a plus qu’à se taire.