Certains moments de notre vie sont plus difficiles à vivre que d'autres, là-dssus, rien de nouveau sous le soleil, sauf que je nage en plein dedans. Je ne sais quoi écrire, inspiration qui soupire et par extension mal-être introduit dans le cœur et dans l’esprit. Mon âme, elle, reste intacte. Mois de janvier morose, fatigue chronique assurée. Mais…
Je revenais de ma promenade champêtre, juste une heure pour respirer à plein poumons l’air pur qui s’offre à moi. Les chemins boueux et escarpés, m’ont remis sur pieds. Alors je m’assoie, devant le clavier et je commence à taper sur les touches, il le faut, sinon, sensation d’étouffer, feu dans ma tête, tempête sur ma vie. Je signale au passage, qu’aucun fait particulier ne s’est produit. Tout est comme d’habitude. Peut-être trop. Petite flamme de mon moi profond, pas vraiment éteinte, alors ? Il est temps de se mettre au clavier comme un pianiste faisant ses gammes. Je le dois à mes visiteurs, et aussi à moi-même. Ne pas perdre l’estime de soi, pour continuer sur la route des bons sentiments, et se dire qu’après tout, d’autres souffrent beaucoup plus que soi. C’est peut-être la raison de ce mal-être intrinsèque. Trop de mauvaises nouvelles sur la planète terre, je suis fragile, jusqu’à l’autodestruction, mais non, ça c’était avant. Aujourd’hui le ciel est bleu, le soleil plus vaillant que jamais, mes animaux me rendent tout l’amour que je leur porte, mari impeccable. Donc, je n’ai qu’à sourire, allez, pendant que j’élucubre, je vais écouter un peu de belle musique, celle qui vous transporte, incandescente et lumineuse, besoin d’accords, de beaux accords. Brahms me tient compagnie. L’opus numéro 2 joué par Rubinstein reflète mon état, cette humeur qui me rend maussade. Ce qu’il y a de bien avec la musique classique, c’est qu’on ne s’attend jamais à ce qui va suivre, allegro, vivace, ou crescendo ?
Tout est beau, calme, silencieux, la vie est au repos. Les souvenirs de mes rêves sont encore là, je revois ma grand-mère chaque nuit, c’est terrible, mais c’est la vie, et c'est la seule que l’on nous propose. Infini, pas garanti du tout. Point final. Je me bats avec mes idées anthracite avant qu’elles ne soient complètement noires. Pas de désespoir, mon tour viendra. Voyez comme je suis mal, j’essaie de vous faire croire que je vais mieux, mais je ne sais pas mentir, pas même par omission !
Je me laisse porter, cadencée par le piano, avec ses bas, avec ses hauts. La maison sent bon le papier d’Arménie, son odeur est plus raffinée que celle de l’encens. Je suis moi, une parmi tant d’autres… Je passe sur l’Opus de Brahms, il n’est pas plus joyeux que moi. Jean-Sébastien Bach, voilà, c’est lui qu’il me faut. Clavecin, flûte traversière, violon, de la joie enracinée dans les siècles des siècles.
Je pense et repense à la vie, à la vieillesse si vulgaire, comme l’a dit une actrice, mais que peut-on faire ? Un jour ou l’autre, il faut laisser le temps et ses traces aller au gré de la vie. Ne pas se battre contre des moulins à vents, non, Don Quichotte était de la Manche, moi je suis de Marseille. J’ai rêvé ma ville toute la nuit, lorsque je sortais tard, très tard dans la nuit, ivre d’enfers véritables… (Paradis artificiels). Elle a bien changé cette ville où je fus, où je grandis, je ne la regarde plus sous les mêmes cieux. Que reste t-il de tout ce qui fut mon enfance ? Des rues à l’odeur nauséabonde, là où les bobos ont fait leur nid. Je ne retournerai jamais habiter Marseille, fini, the end. Les souvenirs sont comme du bois mouillé, ils existent mais ne sont plus combustibles, ils ne se mêlent plus à ma mémoire. J’ai mis le feu à mes annales, j’ai dit que la vie c’était ici, dans la Drôme, magnifique contrée aussi sauvage que moi. Rude, mais belle, verdoyante, à souhait, programme bien-être assuré. Juste un effort et je souris, voilà, je ris même… Bach a ce pouvoir, ou est-ce l’écriture, le fait de me réinventer me fait avancer aussi vite que le vent, à la mesure du clavecin qui bat la chamade de mon coeur. Je suis heureuse, voilà, ce n’était pas plus compliqué. Il m’a fallu un peu de volonté, de jolies images devant mes yeux et un cœur battant au rythme de la musique. C’est le Brandebourg Concerto auquel je dois l’amélioration de mon humeur. Et puis ce pouvoir "orgasmique", celui des mots bien balancés, à mon humble avis, des phrases à croquer comme on croquerait dans la pomme interdite. Mais peut-être me trouverez-vous prétentieuse ? Que nenni ! Ce serait plutôt le contraire, mon mari me dit que je ne suis jamais sûre de moi, il a raison. Je ne suis que lorsque j’écris, lorsque je crée, je l’ai déjà dit. Imaginative, mon esprit embarrassé a disparu, je suis bien, vraiment bien, aucun besoin de s’en persuader. Je cesse un instant d’écrire, sors, embrasse mes peluches vivantes, elles semblent heureuses, je les aime, tout va mieux. Mon époux arrive avec un bouquet de fleurs à la main, il est merveilleux, autant que l’orchidée rose pale à l’anthère fuchsia, qu’il vient de m’offrir. Contempler les boutons de la plante jusqu’à la déhiscence. Oublier les côtés frustes de l’existence, avancer vers le bonheur, ouvrir les yeux, ouvrir son cœur, aimer la vie, aimer ceux qui n’ont de cesse de vous voir heureuse. Voilà ma chance, je la saisis, en plein vol, je caracole et cabriole vers la lumière bienveillante de tous ceux qui m’enchantent.
Nota bene : Mon époux a souhaité que je signe mes photos, mais l'art, tel qu'il soit, n'appartient à personne, donc, si elles sont publiées, c'est pour vous les faire partager...